mardi 13 janvier 2009

INTRODUCTION GENERALE À L’ETUDE DE LA LITTERATURE

De son étymologie latine « littera » qui signifie lettre, le terme littérature en vint à signaler l’érudition, la culture des gens lettrés « d’un bel esprit et d’une agréable littérature ».

Au début du 19e siècle le terme fut considéré sous un jour nouveau par Mme de STAEL dans son ouvrage ‘’De la littérature dans ses rapports avec les institutions sociales’’ (1800). Dès lors la littérature ne caractérisait plus une somme de textes, fussent-ils savants, mais la production de leurs auteurs et par là même l’activité créatrice proprement dite. Elle ne cessa de s’affirmer au 19e et 20e siècles et trouva sa consécration avec l’émergence des sciences du langage.

CHATEAUBRIAND écrit dans ‘’Les Mémoires d’outre tombe’’ : « La littérature qu’exprime l’ère nouvelle n’a régné que quarante ou cinquante ans après le temps dont elle était idiome. Pendant ce demi siècle, elle n’était employée que par l’opposition. C’est Mme de STAEL, c’est Benjamin CONSTANT (…), c’est moi enfin qui les premiers avons parlé cette langue».

Le terme littérature ne se plie pas à une définition claire et immuable, ainsi LAROUSSE définit le mot : « Ensemble des œuvres écrites dans la mesure où elles portent la marge d’un souci esthétique ». Cette définition est péremptoire et restrictive du fait qu’elle exclue la production des sociétés n’ayant pas vite découvert l’écriture.
Par littérature, il faut entendre : « ensemble des œuvres écrites ou orales composées dans un souci esthétique et qui permettent d’établir un rapport entre une communauté (ou une société) et sa culture, sa civilisation ».

Si nous admettons qu’une littérature, quelle qu’elle soit, est toujours la manifestation d’une culture, nous admettons aussi qu’il existe diverses sortes de littérature : traditionnelle, moderne écrite, engagée…

Les éléments constitutifs de la littérature sont appelés « genres littéraires » c'est-à-dire un ensemble de textes soumis à des règles communes.
Deux grands domaines se partagent la littérature : le domaine oral et le domaine écrit

I - LA LITTERATURE ORALE.

Chez les peuples noirs, la transmission du message de génération en génération se fait suivant des règles esthétiques et selon des compositions qui lui confert un caractère littéraire. La pensée occidentale associe volontiers littérature et écriture. Dès lors on est tenté par ces questions :
Comment imaginer que des peuples ignorant l’écriture puissent connaître la littérature ?
Comment croire qu’il existe des œuvres littéraires et pas de livres ?
C’est ce qui explique la difficulté avec laquelle on a admis les expressions « Littérature orale ».
Cette littérature orale africaine est bien organisée et la diversité de ses thèmes et la variété de ses formes témoignent bien de sa vitalité.
Les principaux genres de la littérature orale sont :
1-La légende.
Elle a pour base un fait historique, marqué par la présence d’êtres surnaturels, plus ou moins déformé par l’imagination et les erreurs de transmission. C’est un récit à caractère merveilleux qui retrace l’évolution de la communauté.
Ex : La légende du ouagadou bida
2- Le mythe.
Est un récit inventé pour essayer de répondre aux grandes questions qui n’ont généralement pas de réponse : l’origine de la vie et de la mort, du mal et du bien etc.…
Le mythe a pour but d’établir des règles de morale que nul ne peut et ne doit transgresser. C’est le dogme de la religion traditionnelle mais un dogme intégré à la vie du groupe.
3-L’épopée.
C’est à la fois un poème et un récit qui chante la gloire d’un héros hors du commun. Même si les événements sont amplifiés, ils font référence à un contexte historique réel.
Le héros de l’épopée se distingue par des qualités extraordinaires (courage, dignité, bonté).
Ex : L’épopée de Soundiata.
Il y a diverses sortes d’épopée :
- L’épopée des familles qui relate l’histoire de certaines familles.
- L’épopée cynégétique, c’est un long chant qui vante les exploits de chasse d’un homme. C’est le fond de la musique des chasseurs communément appelée « donso foli ».
4- Le proverbe :
C’est une sorte de citation (dont l’auteur est assez souvent inconnu) qui renferme une vérité admise par la majorité et qui se rapporte à une situation précise. C’est une façon de dire beaucoup de choses en un peu de mots. En faisant réfléchir, le proverbe agrémente le discours et fournit un conseil.
Ex : Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle s’écrase.

5-La devinette : Souvent appelée énigme, est un jeu dont le but est d’entraîner la mémoire et développer l’intelligence.
6- Le conte : Récit imaginaire dont le but est de distraire, le conte est un moyen d’instruction où l’on prête des rôles aux animaux et choses. L’objectif est de permettre aux humains de découvrir leurs tares. Il se caractérise par le merveilleux et toutes les sociétés en produisent. C’est un genre universel ; une narration au passé introduite par les formules :
-Il y a longtemps ;
-Il était une fois etc.
L’imaginaire et l’invraisemblance sont les caractéristiques du conte.

II- LA LITTERATURE ECRITE :

Elle est née avec l’apparition de l’écriture et le désir de l’homme de conserver et de communiquer sa culture. La littérature écrite est apparue en Afrique avec la colonisation.
Elle comprend quatre (4) genres :
1- Le roman :
Le roman est un récit d’événements généralement fictifs et en proses. Il met en lumière des personnages et est divisé en parties et en chapitres. Le but du roman est de refléter et de critiquer une société.
2- Le théâtre :
Il apparaît comme un spectacle représenté sur scène par des acteurs vivants devant une assemblée de spectateurs qui y participent pour son éducation et sa joie.
Le théâtre est soit comique, tragique ou dramatique
3- La poésie :
La poésie est un genre qui permet à travers des artifices et la beauté du langage de restaurer l’harmonie du monde. C’est une façon de démontrer et de faire apparaître les sentiments.
4- L’essai :
L’essai est un genre littéraire qui analyse et étudie les autres genres de la littérature orale et de la littérature écrite. Son but est de montrer les forces et les limites de la création littéraire.

III- OBJET ET UTILITE DE LA LITTERATURE


La littérature a pour objectif premier la sensibilisation et l’éducation des hommes en vue de permettre aux éléments de chaque société de vivre harmonieusement.
Mais la littérature doit aussi distraire et amuser les hommes.
Avec les problèmes naissants, la littérature est devenue revendicative, lutte contre les injustices en vue d’accéder et d’obtenir la liberté de l’homme : on parle de littérature engagée.
Cet engagement est une théorie littéraire dans laquelle l’écrivain tente d’expliquer et d’améliorer les conditions de vie ; et pour les premiers auteurs noirs, un souci de préserver l’identité culturelle de leurs pays et de dénoncer les effets dévastateurs de la colonisation sur les civilisations africaines.

En définitive, quoique l’occident n’admet de littérature qu’écrite, l’Afrique a toujours connu une littérature racontée puisqu’elle est développée et transmise sous la forme orale : c’est la tradition orale.

LA TRADITION ORALE :

I- Qu’est ce que la Tradition Orale :

Il n’y a pas de peuple sans culture mais chaque peuple dispose de moyens divers pour conserver vulgariser et transmettre cette culture qui est un ensemble de manières de penser, de parler et d’agir.
L’Occident a répandu le préjugé que l’Afrique n’avait pas de littérature pas moins qu’elle n’avait de culture parce qu’elle a longtemps ignoré l’écriture.

En Afrique, la transmission de la tradition est l'affaire de tout le monde, surtout si elle doit se répercuter sur l'éducation des enfants. C'est ainsi que la famille proche est impliquée dans le processus de transfert des connaissances au même titre que les griots, vrais professionnels de la parole, mais aussi les conteurs, les chanteurs ou encore les écrivains africains qui, un peu plus tard, se sont efforcés d'intégrer la tradition dans leurs oeuvres.
La tradition orale est l’ensemble des pratiques culturelles d’une communauté ou société transmises de génération en génération. Selon Joseph K. ZERBO, la tradition orale est « L’ensemble de tous les styles de témoignages transmis verbalement par un peule sur son passé ».
La tradition orale désigne l’utilisation habituelle de la parole (l’oralité) pour transmettre les faits culturels et de civilisation. Cette tradition est généralement par les personnes âgées. C’est pourquoi Amadou Hampaté Bâ (1901-1991) a pu dire : « En Afrique, chaque vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ».

II- Signification et Originalité de la Parole dans la société africaine :

En l’absence de l’écriture, la Parole est essentielle dans les sociétés africaines. Pour communiquer naturellement mais aussi pour conserver la mémoire des hommes. L’utilisation exclusive de la parole dans la transmission des connaissances, donc de la tradition, a donné à celle-ci une signification particulière.

Hampaté BA disait que : « La parole est image de l’homme ». Cela signifie que la parole a une grande importance. C’est pourquoi les Bambara disent : [kuma be maa dù] (la parole engloutit l’homme) ; elle ne se dit pas fortuitement, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, par n’importe qui à n’importe qui.

Les sociétés africaines sont généralement dominées par la magie, où les vivants, les morts et les choses se parlent et s’influencent. Tout est parole « tout a un sens » comme l’a écrit Djibril Tamsir Niane dans Soundjata ou l’ Epopée mandingue. Tout parle. Et Birago Diop a pu écrire :
"Ecoute plus souvent les choses que les êtres
La voix du feu s’entend
Entends la voix de l’eau".

III- Les Fonctions de la Parole :

- Fonction didactique :
Apres sa fonction première de communication, la parole est destiné à instruire, à enseigner les connaissances indispensables à la vie. On appelle cette fonction la fonction didactique.
- La fonction magique :
Les sociétés africaines donnent à la parole des pouvoirs magiques. La parole étant un don de Dieu à l’homme, celui-ci peut s’en servir pour changer l’ordre des choses : par exemple le féticheur, le marabout
C’est la partie sécrète de la parole. Elle sert à pénétrer le monde invisible et à protéger des forces maléfiques. Elle se manifeste lors des occasions telles : la chasse, les funérailles la circoncision, l’initiation et autres rites sacrées. Plus souvent il s’agit de formules connues de quelques initiés. La parole, comme produit social, est considérée du point de vue religieux comme un don de Dieu. La société africaine confie à des personnes la conservation et la transmission de la parole : le griot. Il forme avec les hommes de caste une sorte de musée de la parole ; on les appelle « dépositaires de la tradition orale ».

En admettant avec Amadou Hampaté BA que : « La tradition orale est un musée verbal et un moyen d’évaluation qui rattache l’homme africain de son passé tout en lui permettant de construire son avenir », l’Afrique délègue le pouvoir et savoir de la parole aux griots, aux personnes âgées, aux forgeron etc… Ils sont appelés « maîtres de la parole » ou « mémoire collective ».
Ex : Gnankouma Doua griot de Naré Maghan ; Balla Fassaké griot de Soundiata.
Les vieilles personnes sont, à coté des griots, une source de connaissance de la tradition orale.

IV- Les Dépositaires de la Tradition Orale :

Il est important de découvrir le trésor contenu dans la littérature orale, de l’adapter à nos réalités et surtout de la transmettre à la postérité. Les griots, les personnes âgées et les hommes de caste véhiculent une littérature dite traditionnelle.

a- Le Griot :
Le griot a de tout temps été considéré comme le détenteur de la parole, par conséquent la mémoire sociale du groupe. Il retient les faits et les événements importants de son temps mais aussi des temps passés, que ses pères lui ont confiés pour qu'il les restitue aux générations futures. C'est ainsi que, véritable professionnel de la parole, le griot veille à leur bonne transmission. On fait appel à lui lors des événements importants pendant lesquels il ne se fait pas prier pour reconstituer la généalogie d'une famille donnée au son de la kora ou d'un autre instrument de musique selon le type de société. Périodiquement, de grandes réunions à caractère ésotérique rassemblent les griots initiés pour des récapitulations de l'histoire des peuples. Lors de ces cérémonies, les plus jeunes d'entre eux acquièrent de nouvelles connaissances. Les aînés leur présentent des sites sacrés, tombes ou anciens autels, leur apprennent les systèmes de décompte du temps pour chaque ethnie et les formes anciennes des langues qui permettent aux chefs des sous-groupes de se comprendre.

b- Les vieux ou personnes âgées :

C'est à eux qu'incombe le plus la transmission de la tradition aux enfants en fonction de la sagesse procurée par l'âge mais aussi de leur disponibilité. Ils apparaissent partout comme des agents éducatifs importants dans les domaines qui n'ont pas directement trait à la productivité, et en particulier dans l'enseignement oral. Leur rôle n'est nullement négligeable sur le plan de l'intégration sociale proprement dite. Ils servent de trait d'union entre le passé et le présent. C'est souvent chez eux que va habiter le petit enfant après le sevrage ou quand, à 4 ans, il commence à voir les choses et à se poser des questions

V- Les genres de la littérature traditionnelle :

C’est à travers contes, proverbes, mythes et légendes que l’Afrique à élaboré et transmis le droit coutumier, la philosophie, la médecine traditionnelle, les sciences ésotériques le commerce etc…C’est sont des manifestations de la parole si bien que Hampaté BA écrit : « Je suis un diplômé de la grande université de la parole enseignée à l’ombre des baobabs ».
Chaque littérature comprend une partie une partie écrite et une partie orale. Les genres de la littérature traditionnelle ou « genres de l’oralité » sont : l’épopée, le conte, la légende, le mythe, les proverbes, les devinettes et les maximes. Chaque genre a ses caractéristiques.

L’ETUDE DU CONTE

Produit de la littérature orale traditionnelle, le conte est un genre populaire et universel, en raison de sa faciliter à véhiculer ou transmettre un enseignement moral.

I- Qu’est ce que le conte ?

•Le conte est un récit qui relate souvent une longue série d’aventures, de voyages, d’épreuves affrontées par un héros dans un but bien précis.
•Souvent populaire, le conte a généralement pour but de nous divertir et de nous enchanter par le mystère et le merveilleux.
•Le conte ne se “prend pas au sérieux”; il plaisante souvent, caricature des personnages nombreux, qu’on reconnaît facilement pour bons ou méchants.
•De nombreux faits sont inexplicables et l’on n’a nulle envie de les expliquer.
•Le cadre, époque et lieu, est souvent imprécis ou irréel.
•Le conte nous fait quitter la réalité tout en nous donnant l’envie de croire à l’invraisemblable.
Le conte est généralement un récit de fictions assez court dont le but est de distraire et qui relate les faits, les gestes, les aventures vécues par une personne. C’est une sorte de mise en scène de la vie sociale où les animaux remplacent les hommes. Même si les contes ne sont pas toujours les mêmes dans toutes les sociétés, ils ont les mêmes caractéristiques.

II- Les caractéristiques du conte :

- La narration au passé : beaucoup de conte commence par »Il était une fois », »Il y’a très longtemps de cela », »Jadis » etc. Cela traduit la distance qui sépare l’univers du conte et le monde réel.
- L’imaginaire : l’invraisemblable domine tous les contes : les objets ou les animaux sont doués de pouvoirs, les petits arrivent à vaincre les grands. Les longues distances sont franchies en un clin d’œil.
- L’enseignement des vertus cardinales et des valeurs sociales : comme tout autre forme de littérature orale traditionnelle, le conte africain reflète l’image de la société ou il est né. C’est pourquoi les thèmes sont relatifs à la mort, à la maladie, aux qualités et aux défauts.

III- Les fonctions du conte :

Le conte s’apparente au mythe et ont une fonction initiatique, puisque le conte est réservé aux membres d’une communauté, son rôle social est de cimenter les liens existant entre les individus. Les défauts tels l’avarice, l’égoïsme, la gourmandise, le vol, l’injustice, le mensonge sont sévèrement stigmatisés.
Les contes rythment la vie sociale : on se réunit pour entendre ces récits imaginaires lors des fêtes, en période de récolte, lors de la célébration d’une naissance. Ils permettent à une communauté de manifester son unité et son identité culturelle. Enfin, ils jouent un rôle dans l’éducation des enfants qui prennent ainsi connaissance des règles de la communauté (le bien et le mal, le permis et l’interdit) en découvrant les contes propres aux groupes auxquels ils appartiennent.
Le conte est associé aux loisirs d'une société (en général traditionnelle): c'est un divertissement. Le récit se déroule soit dans l’environnement quotidien, soit dans les lieux totalement imaginaires et féerique.

Particularités des contes africains :
Les contes africains présentent plusieurs particularités : ils sont dits seulement la nuit ; ils comprennent généralement des chants, des refrains, des formules que l’auditoire reprend en chœur avec le conteur.