dimanche 13 septembre 2009

«Soundiata ou l’épopée Manding » de Djibril Tamsir Niane, PA, 1960

Présentation de l’oeuvre :
1) Aperçu de l’auteur :


Djibril Tamsir Niane (né le 9 Janvier 1932 à Conakry), est un écrivain Guinéen, auteur de plusieurs ouvrages d’histoire issus des traditions orales sur l’Afrique ancienne.Né à Conakry, en Guinée, pays qui vit naître l’empire du Mali. Etudiant en histoire à l’Université de Bordeaux (France), Djibril Tamsir Niane est titulaire d’une licence et d’un Diplôme d’étude supérieure spécialisée. Instituteur puis professeur d’histoire à l’université de Dakar, Djibril Tamsir Niane s’emploie à faire connaître l’histoire ancienne de l’Afrique à partir des récits que lui font les griots. Il est tout le contraire d’un passéiste ; s’appuyant sur les notes des administrateurs concernant les vestiges — visibles mais muets — qui parsèment le sol de l’Afrique occidentale, il cherche à les confronter aux traditions transmises dans les villages par les griots. Dans l’attente des travaux des archéologues sur les grands sites d’Aoudaghost, de Koumbi Saleh (empire du Ghana) et de Niani (empire du Mali), il recueille le geste de Soundiata Keita, fondateur de l’empire du Mali, qui est publiée en 1960 (Soundiata ou l’Épopée mandingue). Chercheur rigoureux aventuré dans les méandres de la mémoire collective, il se situe à mi-chemin des historiens classiques s’appuyant sur les textes et les vestiges matériels, et les thèses du chercheur sénégalais Cheikh Anta Diop, pour qui la réhabilitation de l’Afrique passe par la mise en évidence de l’origine noire de l’Égypte ancienne.

Collaborateur de l’historien Jean Suret-Canale, avec qui il rédige un manuel d’histoire sur les Peuples de l’Ouest africain, il publie plusieurs articles dans le bulletin de l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) et des Recherches sur l’empire du Mali au Moyen Âge (1975), à destination des chercheurs, qu’il complète par une histoire du Soudan occidental au temps des grands empires (1975) destinée, elle, au grand public. Le professeur, en effet, n’oublie jamais l’ancien instituteur, alternant publications scientifiques et ouvrages de plus grande diffusion, sans jamais s’écarter du message de ces « bibliothèques vivantes » que sont encore les griots de village (Sikasso ou la dernière citadelle, 1971 ; Contes d’hier et d’aujourd’hui, 1985). Il est aussi l’auteur de pièces de théâtre.

Certains de ses écrits lui valent la prison sous le régime de Sékou Touré, puis l’oblige à l’exil au
Sénégal dans les années 1970.Djibril Tamsir Niane est professeur honorifique de l’Université Howard (Washington DC) ainsi que de l’Université de Tokyo.Il est aussi le père de la célèbre Top model Katoucha Niane, retrouvée morte dans la Seine à Paris le 28 Février 2008.

2) Analyse du roman :


Dans « Soundiata l’épopée Manding » de D.T.N. on retrouve toutes les qualités de l’épopée traditionnelle.
- Un fait historique réel : le règne de Soundjata au 12 siècle.
- L’amplification que lui fait subir la légende par le grossissement des qualités du héros : bravoure, courage, force, clairvoyance, l’intelligence…
- L’intervention du merveilleux : sorcier, dieux, totems, interdits

3) L’image du griot dans »Soundjata » :
Trois griots apparaissent dans l’œuvre.
- Le premier griot est Djéli Mamadou Kouyaté. C’est lui qui raconte à Djibril Tamsir Niane toute l’histoire.
- Le second griot présent est Gnankouman Doua. Il est le griot de Naré Maghan, le père de Soundjata. Il joue auprès de lui un rôle de conseillé et de diplomate.
- Le troisième griot s’appelle Balla Fasseké. Fils de Gnankouma Doua, il est le griot attitré de Soundjata, virtuose du Balafon et de la Kora, il a des dons exceptionnels pour la musique. Aux cotés de Soundjata, il va jouer un rôle capital dans l’avènement au pouvoir de son maître. Il le suivra dans son exil ; il sera celui qui l’encourageait pendant les guerres et aussi l’homme qui saura le galvaniser pendant ses moments de doute.



ETUDE DE TEXTE : La parole du griot Mamadou Kouyaté

Je suis griot. C’est moi Djeli Mamadou Kouyatè, fils de Bintou Kouyaté et de Djeli Kedian Kouyatè, maître dans l’art de parler. Depuis des temps immémoriaux les Kouyatè sont au service des princes Keita du Manding : nous sommes les sacs à parole, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires. L’Art de parler n’a pas de secret pour nous ; sans nous les noms des rois tomberaient dans l’oubli, nous sommes la mémoire des hommes ; par la parole nous donnons vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations.

Je tiens ma science de mon père Djéli Kedian qui la tient aussi de son père. L’Histoire n’a pas de mystère pour nous ; nous nous enseignons au vulgaire ce que nous voulons bien lui enseigner, c’est nous qui détenons les clefs des douze portes du Manding.

Je connais la liste de tous les souverains qui se sont succédés au trône du Manding. Je sais comment les hommes noirs se sont divisés en tribus, car mon père m’a légué tout son savoir: je sais pourquoi tel s’appelle Camara, tel Kéita, tel autre Sidibé ou Traoré ; tout nom a un sens, une signification secrète. J’ai enseigné à des rois l’Histoire de leurs ancêtres afin que la vie des Anciens leur serve d’exemple, car le monde est vieux, mais l’avenir sort du passé.

Ma parole est pure et dépouillée de tout mensonge ; c’est la parole de mon père ; c’est la parole du père de mon père. Je vous dirai la parole de mon père telle que je l’ai reçue ; les griots de roi ignorent le mensonge. Quand une querelle éclate entre tribus, c’est nous qui tranchons le différend car nous sommes les dépositaires des serments que les Ancêtres ont prêtés.

Ecoutez ma parole, vous qui voulez savoir ; par ma bouche vous apprendrez l’Histoire du Manding. Par ma parole vous saurez l’Histoire de l’ancêtre du grand Manding ; l’Histoire de celui qui, par ses exploits surpassa Djoul Kara NaÏni ; celui qui, depuis l’Est, rayonna sur tous les pays d’Occident.

Ecoutez l’histoire du fils du Buffle, du fils du lion ; je vais vous parler de Maghan Soundjata, de Mari- Djata, de Sogolon Djata, de Naré Maghan Djata, l’homme aux noms multiples contre qui les sortilèges n’ont rien pu.

Djibril Tamsir Niane, ‘’Soundjata ou l'épopée Mandingue’’, Présence Africaine, Paris 1960
Questions de compréhension:


1. Comment se transmettent les connaissances chez les griots ?
2. Ce mode de transmission est-il vraiment une science ? et pourquoi ?
3. Quelle est l’utilité du griot dans la société traditionnelle ?
4. Si on vous demandait de comparer les griots traditionnels et ceux d’aujourd’hui ?
NB : D’autres questions apparaîtront tout au long de l’explication du texte.

I- Situation du texte :

Ce texte est un extrait du roman historique « Soundjata » de Djibril Tamsir Niane publié en 1960naux éditions « Présence Africaine ».
Le roman transcrit la vie du fondateur de l’empire du Mali.
Le cadre historique est l’Afrique occidentale traditionnelle au temps des empires où tout savoir était oral.
Le cadre géographique est le manding. Cet espace est actuellement compris entre la boucle du fouta diallon (République de Guinée) et la zone de Kangaba (République du Mali).

II- Les Hypothèses de lecture :
Présentation du griot
La science du griot (source du savoir)
Activité du griot- rôle et fonction de celui-ci en milieu traditionnel.
Invitation- appel du griot

III- Etude détaillée :


- Présentation du griot :
Le griot se présente en donnant son identité « Je suis griot… » . Le griot souligne également son rapport avec le prince Keita du manding « …Les Kouyaté sont au service des princes Keita du manding ». Il fait remarquer que la parole appartient au griot «… sacs à parole… »…


-La science du griot- connaissance du griot
La connaissance du griot n’est pas un fait de hasard « c’est un héritage culturel ». Il tient sa science de son père, celui- ci aussi le tient de son père donc une transmission de père en fils et de génération en génération. Il apparaît comme un historien, un éducateur, un généalogiste et un détenteur de secrets parfois millénaires. La science du griot se prend sa source dans le passé « car le monde est vieux, mais l’avenir sort du passé ».


L’activité du griot- rôle et fonction sociale (importance)
Le griot se fait remarque par son importance, le rôle qu’il joue dans la société traditionnelle africaine. Le griot joue le rôle de médiateur « Quand une querelle éclate entre tribus, c’est nous qui tranchons le différend » car ils sont « les dépositaires des serments que les Ancêtres ont prêtés ».
Ainsi, l faut retenir de lui, un éducateur du prince, un communicateur, un médiateur qui sait éteindre le feu, un musicien et un historien de tout le temps « J’ai enseigné à des rois, l’histoire de leurs ancêtres afin que la vie des Anciens leur serve d’exemple... »


- Appel du griot :
Le texte se termine par une invitation à l’endroit des autres désireux d’entendre, d’écouter et revivre l’histoire de Soundjata. Le griot est un magicien du verbe. U n organisateur qui fait enthousiasmer par les mots.

IV- Conclusion
Ce texte résume toute l’importance et le rôle du griot dans les sociétés traditionnelles africaines. Le griot est le dépositaire de la tradition. Et malgré, les changements occasionnés par la modernisation et la propagation des moyens de communication, le griot représente une personnalité importante qui sauvegarde les valeurs traditionnelles.